Ma mère

La fête des mères me rappelle le souvenir de ma mère Hélène qui n’est plus de ce monde.
Je vais donc vous parler de qui fut ma mère.
On avait baptisé ma mère sous le nom de Rose-Hélène. A l’âge adulte ma mère avait laissé tomber le nom de « Rose » pour s’appeler seulement « Hélène ».
Ma mère était une beauceronne. La Beauce, région fort sympathique du Québec, qui géographiquement ressemble assez aux Bois-Francs, et à l’Estrie qui sont voisins. C’est-à-dire que le paysage est sculpté par des collines, fort jolies et aussi par la rivière Chaudière qui fait des siennes depuis toujours. Je me souviens fort bien avoir vu dans les années ’70, la route 108 fermée à cause des débordements de la rivière, et nous étions obligés de faire un détour par des chemins de campagne.
Ma mère était la fille aînée de cinq enfants. Elle est née à Saint-Côme, village situé près de St-Georges, la métropole beauceronne, pourrait-on dire.
Sa famille était extrêmement pauvre, même suivant les standards de l’époque, car son père Arthur souffrait d’une maladie qui était sans doute une spondylite ankylosante, ou quelque chose de plus grave encore, et que la médecine de l’époque ne savait pas traiter. Ce qui est certain, c’est que mon grand-père aurait dû avoir une forme quelconque de travail clérical avec la santé dont il disposait. Or ce n’était pas son quotidien. Étant sur une ferme, il devait s’acquitter de travaux manuels qui l’exténuaient. Jusqu’à ce qu’ils vendent la ferme, et aillent s’établir au village, où mon grand-père passa les dernières années de sa vie cloué dans son lit.
Pourquoi ma grand-mère Catherine n’a jamais cherché à travailler à ce moment? Il était mal vu à cette époque pour les femmes de travailler à l’extérieur, quoique certaines femmes étaient engagées comme domestiques par les familles riches. Et puis surtout, puisque mon grand-père ne bougeait pas de son lit, sans doute qu’il avait besoin d’une personne capable l’assister n’importe quand et à cette époque les services sociaux étaient à peu près inexistants. C’est le coté vraiment plus sombre de nos sociétés d’autrefois.
Par conséquent, ma mère a toujours souligné l’atmosphère de tristesse qui régnait dans la maison paternelle, et comment les trois premières filles étaient pressées de passer à autre chose dans la vie et de sortir de leur milieu.
Deux de mes tantes se sont mariés pratiquement à l’âge de vingt ans! Mais ma mère ne s’est pas mariée à vingt ans. Elle a attendu d’avoir 32 ans.
Elle a embrassé plutôt une carrière d’institutrice comme cela se faisait en 1948, à l’âge de 19 ans, dans une « école de rang ».
Ma mère était une femme foncièrement joyeuse ou blagueuse. Elle a enseigné dans diverses villes du Québec, Beauport, Magog, Waterloo, Saint-Jean d’Iberville….L’été venu, elle louait un chalet et passait ses vacances avec son frère cadet qui avait 20 ans de moins qu’elle, et qui est toujours de ce monde!….Le seul! Oncle Gaétan.
Je disais : fonceuse. En 1959 ou 1960, elle s’achète une automobile. Croyez-le ou non, à cette époque, il était rare que les femmes conduisent l’auto. Pourtant, rien dans les lois ne le défendait comme c’est le cas en Arabie Saoudite en ces années. Dans un couple, évidemment, c’était le mari qui conduisait, et la plupart des femmes se mariaient jeunes. Alors que la mienne a pris son temps avant de se lancer dans l’aventure matrimoniale.
Elle a fait la connaissance de mon père, forgeron et garagiste d’un petit village de l’Estrie, suite à une visite de sa cousine! Et c’est ainsi que son destin, ainsi dit-on, bascula.
Elle s’est mariée le 11 aout 1962.
A 32 ans, sa santé n’était déjà plus tellement forte. En se mariant, elle cessa d’enseigner.
Elle a eu la tristesse d’avoir trois fausses couches.
Mais elle a eu le bonheur d’avoir ses deux enfants : ma sœur Carmen, qui est plus jeune, et moi-même.
Elle aimait lire. Elle aimait pardessus tout la Nature, et se réjouissait du cycle de la vie qui reprenait à ce temps de l’année.
Elle aimait le Seigneur. Pour elle, « la religion » n’était pas une suite de coutumes et de croyances dont on hérite et qu’on fait siens sans trop d’intérêt, mais c’était pour elle la dimension importante qu’elle a redécouvert dans le sillage du mouvement charismatique, et qui l’a accompagné jusque dans ses toutes dernières années, où nous avons eu la tristesse de la voir diminuée par une forme de démence.
Chère maman, je penserai sans doute à toi jusqu’à mon décès, et d’où tu es, intercède pour tes enfants et tes petits-enfants.