Au Québec, quel avenir pour la vie religieuse?
Je me trouve présentement à Sherbrooke. La grande ville de mon enfance, puisque nous vivions dans un petit village de la région. Ville aussi où j’ai passé une grande partie de mon adolescence, puisque mes parents m’avaient inscrit pour étudier au séminaire de Sherbrooke, école secondaire privée. L’école continuait de s’appelle « séminaire » bien que toute ambition de recrutement pour le sacerdoce était bien disparue dans les années « 70 ». Toutefois, par rapport à aujourd’hui, le coté catholique était encore marqué par la présence de certains prêtres pour enseigner des matières, par la présence de crucifix dans les locaux, et par la célébration du sacrement de réconciliation à l’Avent et au carême pour ceux qui le désiraient. Les groupes étaient fait de garçons seulement, ce qui fait que les farces grivoises et parfois grossières étaient monnaie courante.
Je me trouve présentement chez les clarisses de Sherbrooke. Cette communauté est établie dans le quartier « Lennoxville »depuis bien longtemps. Autrefois, les clarisses étaient voisines des franciscains. Les franciscains avaient fait de leur couvent une maison de retraite appelée « Le buisson Ardent ». En 1995, j’ai vécu les derniers jours de cette maison de retraite. Les franciscains ont décidé cette année là de quitter la région et d’abandonner le grand couvent qui leur servait de maison. Et à l’époque, c’est la communauté nouvelle de « Marie-Jeunesse » qui en avait hérité. Une communauté qui avait le vent dans les voiles à ce moment! Une communauté de garçons et de filles tout de blanc vêtus, et comme le nom l’indique, bien mariale.
Marie-Jeunesse, originaire de Sherbrooke, avait ouvert une maison à l’autre bout du monde, l’île de la Réunion, un territoire appartenant à la France situé dans l’Océan Indien. Ils ont ouvert aussi des maisons à Québec, en Belgique et à Tahiti.
En quelques années, un essor fulgurant. L’ancienne maison des franciscains n’était plus assez grande pour eux et pour leur année-Pentecôte! Ils ont obtenu une autre maison des sœurs de la Présentation de Marie, rue Conseil, pour peu à peu abandonner l’ancien couvent des franciscains.
Mais pour en arriver maintenant à une déconfiture fulgurante. Sans que vraiment on sache trop pourquoi, tous les frères et sœurs ont dû quitter leur maison respective et se regrouper à Sherbrooke. On a vu bien des départs de la communauté, des frères et sœurs ont quitté la communauté.
Je ne connais que les grandes lignes de cette histoire. Je ne vais pas spéculer sur l’histoire interne de cette communauté.
Toutefois, je vois encore le grand bâtiment qui servait originellement aux Franciscains. Le bâtiment est toujours là. Et savez-vous ce qu’il est devenu?
C’est « l’église évangélique en action » qui l’a acheté. Ce sont des gens qui sont dans une mouvance du protestantisme.
J’aime mieux que ce soit eux qu’une bande de motards criminalisés. J’aime mieux ça que bien d’autres groupes.
Toutefois, lorsque je vois ce grand bâtiment conventuel à peu près vide, cela me renvoie à une question lancinante : quel avenir y a-t’il pour la vie religieuse au Québec?
Quel jeune québécois songe à rentrer en communauté en 2020?
Déjà en 1980, il y avait bien peu de jeunes qui voulaient entrer dans des communautés. Quelques originaux comme moi, étaient attiré par le don de sa vie au service de Dieu. Encore 15 ans plus tard, on pouvait voir quelques individus vouloir se greffer à un noyau stable plus âgé.
Mais maintenant en 2020, c’est comme si les « quelques individus » étaient disparu. On voit encore quelques individus se faire ordonner prêtre dans les diocèses. Mais dans les communautés religieuses : presque personne, depuis dix ans.
Alors, les communautés ont continué de vieillir, les bâtiments deviennent trop grands, et à travers le Québec, il semble qu’il y a une « grande vente » de bâtiments conventuels et monastiques.
C’est à se demander qu’est-ce qui va subsister de toute cette richesse humaine et patrimoniale dans 20 ans?
Un exemple : l’abbaye de St-Benoit du Lac. On voit ce bâtiment sur tous les guides touristiques de la région de l’Estrie depuis que Tourisme Québec en publie.
S’il n’y a plus de bénédictins, faute de vocations, que va devenir ce bâtiment?
Bien au-delà de cette simple question de bâtiment ou d’architecture marquante, que va devenir la vie religieuse au Québec?
Est-ce qu’elle va subsister grâce aux frères et sœurs venus de d’autres pays asiatiques ou africains ou latino-américains?
Mais s’ils ne rencontrent pas de fruits à leur travail dans ce Québec si « laïcisé », jusqu’à quand vont-ils accepter de rester ici et de représenter la vie religieuse québécoise?
Ce sont les questions qui m’habitent. Je veux les porter devant le Seigneur puisque c’est lui qui peut tout et qui sait tout. Vous qui me lisez, prions ensemble pour les vocations et pour que le Seigneur trace un chemin comme il le désire.