Ma courte expérience à la baie James.
Récemment , je n’ai pas donné un cours d’histoire complet. Seulement mes réflexions et une mise en situation qui vaut bien celle souvent omise par les journaux et autres médias.
Aujourd’hui, j’aimerais me faire plus personnel. Suite à cette absence de contact avec les premières nations dans mon enfance, il ne faudrait pas conclure qu’il n’y en a pas eu par la suite.
Un an après avoir fait mes premiers vœux, je me suis retrouvé dans des réserves autochtones pour un mois et demi. Voici comment.
Nous, les capucins, sommes divisés en deux juridictions indépendantes l’une de l’autre au Canada. La souche est différente. Pour notre juridiction, le Canada de l’Est, ce sont les Capucins de Toulouse en France qui nous ont mis au monde. Pour la juridiction du Canada Central, ce sont plutôt les capucins belges flamands qui sont à l’origine de celle-ci.
Bien que habituellement, un capucin vit dans sa juridiction (appelée province) il peut arriver que pour des raisons d’études ou autre, il se retrouve dans une autre.
Et donc pendant presqu’un an, je me suis retrouvé neuf mois à Toronto dans la province de Canada Central. Et au bout de ce temps, avec deux autres capucins, nous partions pour le Nord de l’Ontario, par avion, dans la ville de Moosonee. Mgr Cadieux était évêque de ce diocèse. Pour une semaine environ, nous étions logés au presbytère contigu à la cathédrale. Cathédrale pas plus grande qu’une église moyenne. Parions qu’aussi loin dans le nord ça coute moins cher à chauffer que d’autres monuments que l’on a faits!
Moosonee, ce n’est pas une bien grande ville. On y trouve quelques développements résidentiels s ou comme disent les Français : des « lotissements ». Il y a le supermarché Northern qui nourrit la ville.
A mon souvenir, L’évêque y vivait avec un prêtre venu du Nigeria. Une dame préparait la cuisine.
Puis un petit avion nous a encore amené ailleurs. Dans une réserve. Attawapiscat. Nous étions non loin de la Baie James. Nous étions vraiment loin.
Dans cette réserve, il y avait un père oblat. Il s’était si bien inculturé à la culture de cette nation Cree, qu’il savait cette langue. Il chantait des chants dans cette langue pendant la messe. Oui nous étions chez des Crees. Et Nous pouvions entendre les enfants s’interpeller dans cette réserve dans cette langue qui était bien vivante pour eux.
Le père oblat avait au moins 70 ans. Il est peut-être décédé maintenant. J’ai malheureusement oublié son nom.
Le père oblat vivait avec le seul frère laïc oblat autochtone. Il avait été faire son noviciat dans le sud c’est-à-dire à Richelieu au Québec, et il savait le français. Il conversait avec le père en français.
Quelques Crees nous ont demandé en anglais si nous viendrions faire du ministère auprès d’eux.
J’admire des missionnaires qui sont demeurés dans la probité en exerçant leur ministère.
J’ai éprouvé un fort sentiment d’isolement à cet endroit. Les routes dans la réserve n’étaient pas très longues, et moi qui suis un grand marcheur, j’ai eu l’impression de marcher en rond continuellement pendant trois semaines. J’ai trouvé le lieu comme tel : désolant.
Probablement que ceux qui y sont nés ont d’autres yeux pour voir ceci.
Dans cette solitude, j’ai pensé aux lointains ancêtres de ces peuples. Certaines théories ou suppositions circulent quant à l’origine de ces peuples mais il n’y a rien de bien établi.
Il serait logique de penser que certains sont venus par la Sibérie jusqu’en Alaska, puis sont descendus vers le sud.
Et pourquoi s’être établi dans un lieu aussi désolé qu’Attawapiskat? alors que le Canada est disponible presque dans toute son étendue….
Il y a des mystères même dans l’histoire humaine. Et surtout sa préhistoire.
Du fait de leur isolement, leur culture, en tous cas : leur langue semble avoir duré plus solidement qu’ailleurs.
Après cela, nous nous sommes encore déplacés dans une autre réserve : Fort Albany.
Il y avait là un père oblat originaire de ma région natale et qui était là dans cette réserve seulement depuis quelques années. Je me souviens aussi de quelques sœurs de la Charité d’Ottawa qui avait une maison là et là aussi, la seule sœur autochtone que je n’aie jamais rencontrée, qui habitait ce village.
Là-bas, ce qui m’a plu, c’est que le territoire de la réserve paraissait nettement plus vaste. Je pouvais allonger mes promenades.
Cette réserve était située plus au sud, et j’ai remarqué que les jeunes parlaient davantage en anglais que dans leur langue autochtone. Moins on est éloigné des villes, plus l’attrait de l’anglais est fort.
En passant : à côté des « fameux » pensionnats de sinistre réputation où on a interdit aux jeunes de parler leur langue autochtone, j’aime à mentionner un fait plus positif pour conclure ce billet.
Les premiers capucins de Toulouse venus s’établir à Ottawa, se sont ensuite établi dans le village, la réserve de Ristigouche où il y a la nation micmac. Les langues autochtones sont des langues orales qui n’étaient pas écrites jusqu’à ce que les missionnaires se mettent en tête d’écrire des dictionnaires de ces langues, et à cet effet, il a bien fallu créer de toutes pièces des alphabets pour écrire ces langues qui ne l’avaient pas été jusque-là.
Et c’est un capucin français, père Pacifique, qui a écrit le premier dictionnaire micmac-français trois siècles après que saint Jean de Brébeuf ait écrit le premier dictionnaire Huron.
Honneur à ces gens venus évangéliser dans la langue d’adoption de ces peuples!