Madeleine.
Aujourd’hui, au moment où j’écris, 11 février, journée mondiale des malades, ma mémoire me ramène à une personne que j’ai connue naguère à Ottawa.
En fait fort peu de personnes connaissent cette personne que j’ai connue, même parmi les paroissiens d’Ottawa. J’en avais parlé à mes confrères de l’époque, s’en souviennent-ils encore?
Madeleine. Elle s’appelait Madeleine. Madeleine Nadeau.
Quand mon prédécesseur frère Jocelyn Mitchell laissa la cure pour un repos bien mérité, il me fit connaître une grande malade qui demeurait à la maison en permanence puisque trop atteinte dans sa santé.
Il me donna son numéro de téléphone.
C’est ainsi que quelque temps plus tard je l’ai contacté et je me suis rendu chez elle bien revêtu de ma bure, pour qu’elle sache bien que j’étais le capucin qui lui avait parlé au téléphone.
Elle était devenue trop handicapée pour sortir de son logement. Ellle avait plusieurs allergies alimentaires, allergies à plusieurs médicaments, un système immunitaire déficient, etc.
Alors, comment était-elle rentrée en contact avec fr. Jocelyn alors?
Un jour, elle avait téléphoné au presbytère de St-Bonaventure à Ottawa. Il y avait eu déjà quelques prêtres pour la visiter, mais à Ottawa bien sûr, dans la plupart des quartiers les prêtres anglophones sont plus nombreux que les francophones. Donc, elle téléphone à St-Bonaventure et demande s’il n’y aurait pas un prêtre francophone qui pourrait venir la visiter?
C’est ainsi que Madeleine me raconta cette histoire et m’en raconta bien d’autres.
Elle me raconta ses origines. Sa mère était une femme monoparentale. En fait sa mère était une gaspésienne. Et comment donc avait-elle abouti jusque là?
Des récits de faits qui se produisaient dans des temps qui nous paraissent bien éloignés. Une femme qui s’était fait violé par un homme, et plutôt que ce soit l’homme qui soit puni, c’est la femme qui dut s’éloigner avec la honte d’une grossesse….qu’elle n’avait pas recherché, loin de là. Quand on y pense….quelle mentalité. Malheureusement, bien des innocents ont payé pour des coupables.
Alors, cette femme s’éloigne de sa Gaspésie, ne s’exprimant qu’en français. Elle s’était d’abord réfugié en Abitibi, puis ce fut Ottawa. Pour une femme qui ne s’exprimait en français, quel défi.
Je n’ai jamais rencontré la mère de Madeleine. Elle était décédée depuis plusieurs années. Est-ce que Madeleine n’aurait pas baigné inconsciement dès sa conception, dans la culpabilité de cette femme qui s’était expatrié? Ce qui expliquerait la santé déplorable de Madeleine. Dieu seul pourrait le dire…..
Madeleine avait une grande foi. Elle était si heureuse lorsque j’avais téléphoné à Robert Lebel , ce prêtre compositeur, pour que Madeleine ait un CD de chants chrétiens en français, car au centre d’achats où elle avait téléphoné, on lui avait répondu que ça ne se trouvait pas des chants chrétiens en français. Je m e faisais fort de rectifier cette affirmation.
Je l’ai visité pendant 6 ou 7 ans, chaque mois. Elle était si heureuse dans la maison qu’elle avait loué dans une rue bien tranquille du quartier Nepean.
Elle attendait un infirmier, et le dernier jour de l’an 2019, je suis allé chanter des cantiques de chant de Noël à sa demande pour l’égayer un peu. Elle sentait que sa fin approchait.
Elle est décédée quelques semaines plus tard, ses funérailles ont eu lieu dans une église anglophone de la ville, et j’ai dit quelques mots en français.
Hommage à mon amie Madeleine, qui m’appelait son petit frère.
Madeleine, prie pour moi maintenant, s’il vous plaît.